Les paysages et la géographie culturelle
Publié le 15 Janvier 2011
Trois textes peuvent compléter notre réflexion sur la géographie dans ses relations avec le paysage et la culture.
Augustin BERQUE tout d’abord dans « Le paysage entre objectivité et subjectivité ».
(Cinq propositions pour une théorie du paysage, Champ Vallon, 1994)
Le paysage de Delphes (Grèce) en juin 2010.
Photo F Arnal
"Le paysage ne se réduit pas aux données visuelles du monde qui nous entoure. Il est toujours spécifié de quelque manière par la subjectivité de l'observateur ; subjectivité qui est davantage qu'un point de vue optique. l'étude paysagère est donc autre chose qu'une morphologie de l'environnement.
Inversement, le pays n'est pas que « le miroir de l'âme ». Il se rapporte à des objets concrets, lesquels existent réellement autour de nous. Ce n'est ni un rêve ni une hallucination ; car si ce qu'il représente ou évoque peut être imaginaire, il existe toujours un support objectif. L'étude paysagère est donc autre chose qu'une psychologie du regard »…
Augustin BERQUE
Le canal de Corinthe en Juin 2010 : topophobie liée au vertige ou topophilie liée à la fascination pour les travaux d'aménagement ?
Photo F Arnal
Georges Bertrand ensuite avec l’idée du chevauchement des grandes catégories métaphysiques : le naturel et le culturel, l'espace et le social, l'« objectif » et le « subjectif »."
"Appréhender un paysage, c'est accumuler consciemment les obstacles conceptuels et méthodologiques et s'attaquer à ce qui paraît être un tissu de contradictions. Il suffit d'énumérer les principales « qualités » que l'on reconnaît habituellement au paysage pour constater qu'elles relèvent de catégories souvent considérées comme étrangères ou contradictoires ».
Georges Bertrand, "Le paysage entre la nature et la société", Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 49, fascicule 2, 1978.
La plage de Larmor Plage dans le Morbihan : un lieu de sociabilité : une scène sociale où l'on se montre.
Photo F Arnal
Jean-François STASZAK, enfin qui s’interroge sur L'idée que l'espace doit être perçu comme la scène où se joue la vie sociale conduit à attribuer un rôle fondamental au paysage : n'est-il pas le décor sans lequel chacun manquerait de repères ? Il explique que la géographie classique attachait beaucoup d'intérêts aux paysages, mais les analysait presque exclusivement en termes fonctionnels. Il montre que la géographie culturelle contemporaine s’attache à la dimension symbolique de l’espace.
Les crassiers de Saint-Etienne : une dimension symbolique du paysage : d'abord rejettés, ils sont aujourd'hui la mémoire de la mine. Le paysage est objet de patrimoine et d'appropriation sociale.
Photo F Arnal
« Le paysage de la géographie culturelle moderne est analysé différemment. Il provoque, chez ceux qui le perçoivent et qui le vivent, un certain nombre d'impressions et contribue à structurer leurs représentations. Pour reprendre l'expression d'Augustin Berque (1984), il est d'abord matrice de la culture : l'idée que les sociétés se font de la nature reflète les environnements qu'elles ont aménagés. Mais le paysage est également empreinte : il a été façonné par des groupes, exprime leurs façons d'avoir prise sur la nature et de l'exploiter, et révèle les contours de l'organisation sociale dominante ; certains de ses traits ont été conçus pour exprimer des valeurs. »
Jean-François STASZAK 1997, Les discours du géographe, L'Harmattan, Collection Géographie et Cultures, Paris.
Ces propos nous permettent de réfléchir au lien entre paysage et culture.
- le paysage est une notion au coeur de la géographie culturelle, fruit de la
géographie classique, il n’a pas dit son dernier mot.
- le paysage est un élément de culture reflet de nos représentations.
- le paysage reste un objet de la géographie, entre représentation et perception.